23.

 

 

Le déjeuner offert par la municipalité touchait à sa fin.

Les parents de Tommy avaient tenu à s’asseoir à côté de lui, le couvant des yeux comme si une dangereuse aventurière allait surgir d’un instant à l’autre et séduire le beau parti qu’était devenu leur fils. « Je sais que Tommy aimerait rencontrer la femme de sa vie, mais ce sera plus difficile à présent », avait dit sa mère, Ruth. « Il faudra que nous donnions notre approbation et, croyez-moi, ça ne se fera pas comme ça, hein, Burt ? » avait-elle poursuivi en se tournant vers son mari.

Comme d’habitude lorsque sa femme lui demandait son avis, Burt hocha la tête affirmativement. « Tommy est un bon garçon, déclara-t-il. Il a toujours été très méritant, même lorsqu’il n’avait pas un sou en poche. Quand on voit comment un type aussi intelligent que Sam Conklin s’est laissé embobiner, c’est plutôt angoissant. Penser qu’il a été marié pendant tant d’années à Maybelle, la femme la plus douce, la plus gentille de la terre, et qu’ensuite il a épousé ce dragon sorti d’on ne sait où. » Burt regarda les convives autour de lui. « Comment l’appelez-vous déjà, le Rat musqué ?

— La Mouffette, papa », corrigea Tommy, gêné par le tour que prenait la conversation. « Ne t’inquiète pas pour moi. Tout se passera bien. Crois-moi. »

Judy, la femme de Ralph s’esclaffa : « L’abominable Mouffette ! En tout cas elle a mal choisi son moment. J’ai entendu dire que c’était la pagaille aujourd’hui chez Conklin, et rien ne peut me réjouir davantage.

— C’est vrai ? demanda Muffy d’un ton inquiet. J’espère que nous n’aurons pas de problèmes avec la restauration pendant le Festival. »

Ralph la rassura, avec un geste de la main :

« Soyez sans crainte, nous avons si bien préparé les choses à l’avance qu’ils devraient pouvoir se débrouiller sans nous.

— Parfait. C’est le premier Festival de la Joie de Branscombe, et nous voulons faire bonne impression sur nos visiteurs ainsi que sur les téléspectateurs qui regarderont le reportage. »

Marion repoussa sa chaise. « Festival ou pas, il faut aller à la banque. Je ne serai tranquille qu’une fois que nous aurons déposé ce billet dans un coffre et vérifié que la salle est verrouillée. » Elle se tourna vers Nora : « J’ai été très heureuse de bavarder avec vous. J’espère que nous nous reverrons plus tard.

— Nous allons tous nous revoir », dit Muffy avec entrain. « La ville entière va assister à l’inauguration du Festival. J’espère que Duncan pourra être des nôtres. Je me réjouis tellement qu’il soit revenu sain et sauf parmi nous. C’eût été une telle déception s’il n’avait pas réapparu. »

C’est une façon de voir les choses, pensa Luke. Depuis que Willy était entré dans la salle à manger sans Alvirah, il était clair que Nora contenait difficilement son envie de savoir pour quelle raison son amie avait filé avec Jack et Regan. Visiblement, elle ne croyait pas qu’Alvirah avait cédé à l’envie irrésistible de visiter Branscombe. Et Luke n’y croyait pas davantage.

« Oh, Duncan est de retour, c’est très bien en effet », disait à Muffy la mère de Tommy, d’un ton moqueur. « Je remarque d’ailleurs qu’il n’a pas refusé de faire partie du groupe de gagnants.

— Maman, la reprit Tommy. Rappelle-toi le numéro 32. C’était le numéro complémentaire de Duncan. Nous ne serions pas ici en ce moment s’il ne l’avait pas choisi.

— Peut-être, en effet. En tout cas nous t’accompagnerons à la banque, mon fils. »

Muffy se tourna vers Nora : « J’aimerais beaucoup vous faire admirer notre charmante petite ville cet après-midi. Nous pourrions nous arrêter à la vente de charité de la paroisse et jeter un coup d’œil à toutes les merveilles qui seront exposées ce soir. On est en train d’apporter la touche finale aux préparatifs, et je pourrai vous montrer l’endroit où vous donnerez votre lecture demain. Cela vous convient-il ? » Comme à son habitude, elle n’attendit pas la réponse. « Ce sera épatant ! J’aurais aimé que Regan soit là. Peut-être pourra-t-elle nous rejoindre plus tard. Willy, Luke, êtes-vous partants pour un tour en ville ?

— Oui », répondirent les deux hommes d’une seule voix, unique moyen d’interrompre ce flot de paroles.

« Muffy, dit Nora, Luke, Willy et moi n’avons pas encore eu le temps de monter dans nos chambres. Nous pourrions nous retrouver dans le hall dans une vingtaine de minutes.

— Parfait ! »

Les chambres des Reilly et des Meehan se faisaient face au premier étage. Au moment où ils sortaient de l’ascenseur, Nora dit : « Willy, pouvez-vous venir une minute dans notre chambre ? » Ce n’était pas une question.

Et voilà ! pensa Luke. « Préparez-vous à un interrogatoire en règle, mon vieux », chuchota-t-il.

Willy leva les yeux au ciel. « Regan m’a fait jurer de ne rien dire.

— Elle ne pensait pas à nous, lui assura Nora.

— Si, justement, dit Luke.

— Oh, Luke, arrête. » Nora fit une grimace. « Dépêche-toi et ouvre la porte. »

Ils étaient à peine entrés qu’elle se tourna vers les deux hommes. « Willy, que se passe-t-il ? Pourquoi Alvirah est-elle partie avec les autres ? »

Même l’impassible Luke parut stupéfait en entendant les explications de Willy. «Vous dites qu’ils se baladent avec un billet de loterie d’une valeur de cent soixante millions de dollars qui appartient à deux criminels ?

— C’est à peu près ça », répondit Willy en posant sa main sur la poignée de la porte. « Je ferais mieux d’aller me préparer maintenant. Je vous rejoins en bas dans vingt minutes. »

Au service des urgences de l’hôpital général de Branscombe, la réceptionniste leva des yeux étonnés en voyant les quatre amis s’avancer vers son bureau. Elle reconnut Glenda et sourit. « Je vous ai vue à la télé. Vous êtes une des gagnantes à la loterie !

— Oui, c’est exact, répondit Glenda. Et croyez-moi, j’ai encore du mal à y croire. Nous voudrions voir Duncan Graham, l’un des autres gagnants.

— J’ai essayé d’appeler sa petite amie de sa part, mais sa boîte était pleine. Cette fille est vernie ! Comme dirait ma grand-mère, elle a une veine de pendu !

— C’est une expression qu’employait aussi la mienne », dit Alvirah, se rappelant que la version de sa propre grand-mère était un peu plus leste.

« Ma grand-mère avait un dicton pour chaque occasion », dit la réceptionniste en riant. Elle désigna une porte. « Il est juste là. Le troisième box sur la droite. Je ne devrais pas vous laisser entrer tous ensemble, mais nous n’avons pas de cas graves en ce moment. Juste quelques os brisés.

— C’est tout ? » murmura Jack au moment où ils franchissaient la porte.

Le troisième box était fermé par des rideaux. Glenda appela : « Duncan ?

— Je suis là », répondit celui-ci d’une voix faible.

Alvirah distingua une silhouette allongée sur le lit, le visage pâle, mal rasé, anxieux. Il n’a pas l’air dans son assiette, songea-t-elle.

« Glenda ! » s’écria Duncan en essayant de s’asseoir. « As-tu mon téléphone portable ?

— Tiens. » Elle lui tendit l’appareil. « Je crois que tu as déjà rencontré Jack Reilly. »

Elle s’apprêtait à lui présenter Regan et Alvirah, mais Duncan l’interrompit :

« Excusez-moi d’être grossier, mais je suis très inquiet. Fleur, ma fiancée, ne m’a toujours pas rappelé. Elle a peut-être eu un accident... »

Une infirmière s’approcha. « Monsieur Graham, nous allons vous faire un plâtre maintenant. Et vous ne devez pas utiliser ce téléphone. Ce n’est pas autorisé. » Elle se tourna vers les autres. « Ce ne sera pas long. Vous pouvez attendre dehors.

— Glenda, dit rapidement Duncan. Peux-tu essayer de joindre Fleur ? Son numéro doit encore être inscrit dans ton portable. Si elle ne répond pas, essaie l’endroit où elle travaille. Tu le trouveras aussi dans ta liste de numéros. J’ai essayé de les appeler il y a un moment. Demande-leur s’ils ont de ses nouvelles. »

Son regard trahissait son inquiétude.

« Bien sûr, Duncan. Je vais passer ces appels, nous t’attendrons à l’extérieur. » Elle se tourna vers l’infirmière : « Pourra-t-il sortir de l’hôpital dès qu’il aura son plâtre ?

— Bien sûr. Nous lui fournirons des béquilles, et hop ! en route. »

Le petit groupe se retira dans la salle d’attente. Glenda tenta de joindre Fleur sur son portable, mais sa boîte était toujours pleine. Elle composa ensuite son numéro professionnel. Une voix douce répondit : « Jardin d’enfants les Petits Chéris.

— Puis-je parler à la directrice ? demanda Glenda.

— Nous sommes complets pour les quatre prochaines années, annonça fièrement la femme.

— Je n’appelle pas pour cette raison. Je dois absolument joindre l’une de vos collègues. Fleur... »

Glenda s’aperçut qu’elle ne connaissait pas le nom de famille de Fleur. Mais combien de personnes prénommées Fleur travaillaient dans l’établissement ?

« Bien sûr, Fleur, dit son interlocutrice.

— J’appelle de la part de son ami. Il vient de se casser la jambe et désire la joindre au plus vite.

— Duncan s’est cassé la jambe ?

— Oui. Vous le connaissez ?

— Non. Mais Fleur ne cesse de parler de lui. Il a déjà téléphoné dans la matinée.

— C’est exact. Il est inquiet parce qu’il n’arrive pas à la joindre. Il ignorait qu’elle avait pris un jour de congé.

— Attendez, dit son interlocutrice. C’est le milieu de l’après-midi chez vous, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Oh, mon Dieu ! »

Le cœur de Glenda se serra. « Qu’y a-t-il ?

— Fleur a voulu lui faire une surprise aujourd’hui. Elle a décidé de prendre un des derniers vols pour Boston hier soir, puis un bus tôt dans la matinée pour la ville où habite Duncan. Elle devrait être arrivée depuis un bon moment. C’est bizarre qu’elle ne réponde pas au téléphone.

— Savez-vous quel vol elle a pris précisément ?

— Je suis désolée, je l’ignore.

— Merci. Si vous avez de ses nouvelles, pourriez-vous avoir la gentillesse de nous appeler, moi ou Duncan ? »

Elle dicta les deux numéros.

« Et si vous apprenez quelque chose de votre côté, prévenez-nous. Nous aimons beaucoup Fleur. Nous étions déjà navrées à la pensée qu’elle allait nous quitter bientôt. »

Le mystere de noel
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